The Scribe (Arthur Szyk)

the sitting scribe stares at you
CC-by-SA Arthur Szyk

Que vois-je ?
Assis sur une chaise à dossier turquoise, le dos à un mur de briques rouges, un homme d'un certain âge écrit sur un parchemin posé sur une table. L'homme est habillé comme pourrait peut-être l'être un bourgeois de la Renaissance. Il porte des bijoux et tient un stylo.
Il nous regarde. Ses yeux sont bleu sombre.

A sa droite, une fenêtre permet d'apercevoir une ville de campagne en contrebas, avec son église et en arrière-plan un château posé sur une colline. Un bateau, un train et un avion parcourent ce paysage.
Derrière lui, un tableau ou une tapisserie montre une scène de chasse au lion avec château et chasseur style Renaissance équipé d'une lance.

A sa gauche, un tableau dans le style cubiste sur lequel on distingue un visage, une main et les lettres PICASSO et B.
Au-dessus de ce tableau se trouvent deux chérubins fumeurs de pipe qui portent un billet d'un dollar américain surmonté d'une couronne à neuf pointes.

Sur la table, protégée par une nappe aux motifs floraux, se trouvent plusieurs objets.
Le parchemin, inachevé, affiche le texte suivant:
Heut hüpft die Schönheit über das Gebein?
Der Menschenwogel klirrt in klaren Höhn
Und übertönt das Totenkopfgestöhn,
Um nur das bunteLicht zu benedein?
Auch ich steig auf mit starken Aeroplanen
Zu neuen Sphären neusten Weg zu bahnen,
Den Preisgesang des Weltenflugs zu dichten
Und dieser Zeit das Denkmal aufzurichten.
Evoe ...

Arthur Szyk, Paris 1927


Soit, peut-être:
En ce jour, la beauté saute par-dessus l'ossement?
L'oiseau humain cliquète dans la vertigineuse clarté
Et recouvre les gémissements de la tête de mort,
Ne bénit que la seule lumière bigarrée?
Moi aussi, je grimpe dans de puissants aéroplanes
Pour me frayer un chemin jusqu'à de nouvelles sphères,
Composer l'hymne louant les vols de ce monde
Et dresser le monument de cette époque.
Evoe...

Une boîte en forme de parallélépipède rectangle, ouverte, au fond de couleur turquoise, repose à côté du parchemin.
D'un vase, peut-être en cuivre, surgissent trois fleurs qui évoquent de grandes pâquerettes. Les motifs du vase évoquent ceux de la nappe.
Sur un épais livre à couverture noire et dorée, dont le titre n'est pas visible, repose un crâne humain. Caché derrière le crâne, assis sur le livre, un petit personnage chaussé et vêtu de rouge, portant un bonnet de fou du roi à clochettes, rouge, et tenant un bâtonnet rouge, observe le parchemin.

J'écris ce que je décris
Le scribe - un mot ancien pour désigner l'homme de lettres - vit à la fois dans le passé et le présent - ou le futur? Ses vêtements viennent du passé, et il écrit sur un parchemin, mais un avion vole non loin de là. Le scribe revient d'un voyage dans le temps, que lui et les lettres transcendent.
Les chérubins flottent devant la scène de chasse et le Picasso. La fumée du tabac n'est pas visible, mais le scribe est peut-être dans un état second, hypnotisé par la perspective du dollar couronné. Les chérubins présentent au monde leur dieu, le dieu que sert le scribe.
Le Picasso est-il un Picasso, ou bien un Szyk dans le style Picasso?
Derrière le scribe, le chasseur qui tue le lion avec sa lance porte le même chapeau. Il ressemble au scribe, en plus jeune. Le scribe devient le héros, à moins que le héros ne soit sa jeunesse.
Cette boîte vide contenait-elle quelque chose qu'on voit sur l'image?
Le scribe est-il dans un château surplombant un verdoyant domaine? Les ombres qui entourent la fenêtre pourraient plutôt être celles d'un tableau cloué au mur. La ville et le ciel peuvent n'être que mirages. Le scribe se tient peut-être dans une taverne ou dans une cave enfumée.
Le scribe est-il Arthur Szyk? De quelle couleur sont les yeux de l'auteur? Le personnage a la barbe naissante d'un illustrateur perdu dans son travail. Autour de lui, le chaos, mais son regard est résolu, c'est l'homme de la situation, le tueur de bêtes sauvages.
Je pense qu'il gagnerait à "je te tiens tu me tiens par la barbichette".